La cessation du contrat liant l’agent commercial au mandant donne droit, en règle générale, au versement d’une indemnité en faveur de l’agent commercial. Le droit européen offre aux États membres le choix entre deux régimes d’indemnisation. La France et l’Allemagne n’appliquent pas le même régime, c’est pourquoi nous avons choisi d’exposer les deux réglementations dans le présent article.

1. L’indemnité de fin de contrat en droit européen

La directive n° 86/653/CEE du 18 décembre 1986 relative aux agents commerciaux indépendants a été transposée dans les codes de commerce allemand et français de façon relativement différente, notamment en ce qui concerne l’indemnité que touche l’agent commercial lors de la cessation du contrat d’agence. En effet, l’article 17 al. 2 et 3 de cette directive offre une alternative pour l’indemnisation de l’agent commercial lors de la rupture du contrat d’agence.

La première possibilité, dite « modèle allemand », prévoit une indemnité de clientèle qui sera due à l’agent si et dans la mesure où :

  • il a apporté de nouveaux clients ou développé sensiblement les opérations avec la clientèle existante, dont le mandant a encore des avantages substantiels ;
  • le paiement de cette indemnité est équitable, compte tenu de toutes les circonstances, notamment des commissions perdues ;
  • le montant de l’indemnité n’excède pas une année de rémunération calculée sur la moyenne des cinq dernières années (ou, si le contrat n’a pas duré cinq ans, sur la moyenne de la durée du contrat).

La seconde possibilité, préférée notamment par la France, prévoit la réparation du préjudice subi par l’agent du fait de la cessation de ses relations avec le mandant, sans limitation ni minimale ni maximale.

En France comme en Allemagne, l’indemnité de fin de contrat a un caractère d’ordre public. Ainsi, toute convention des parties prévoyant une indemnisation différente ou excluant le droit à indemnisation est nulle et non avenue.

L’article 18 de la directive n° 86/653/CEE prévoit les cas dans lesquels l’indemnité de fin de contrat n’est pas due. Cet article est repris dans les législations française (article 134-13 du Code de commerce) et allemande (article 89b al. 3 du Code de commerce allemand – Handelsgesetzbuch – HGB). Ainsi, l’indemnité n’est pas due :

  • en cas de manquement imputable à l’agent qui justifierait, en vertu de la législation nationale, une cessation du contrat sans délai ;
  • lorsque la résiliation intervient à l’initiative de l’agent, sauf si elle est justifiée par le comportement du mandant ;
  • lorsqu’un accord entre le mandant et l’agent prévoit que l’agent cède à un tiers les droits et obligations qu’il détient d’un contrat d’agence.

Conformément à l’article 17 al. 5 de la directive, les régimes français et allemand (respectivement aux articles L. 134-12 al. 2 du Code de commerce et 89b al. 4 du de Code de commerce allemand) prévoient également que l’agent perd le droit à l’indemnité s’il omet de notifier au mandant, dans un délai d’un an à compter de la cessation du contrat, qu’il entend faire valoir ses droits.

2. L’indemnité de clientèle en droit allemand

Le législateur allemand a consacré le principe de l’octroi d’une indemnité de clientèle à l’article 89b du Code de commerce allemand, laquelle est basée sur le travail personnel de l’agent dans le développement de la clientèle.

Ainsi, l’indemnité va être évaluée sur la base de la clientèle effectivement développée par l’agent et ne tenir compte que

  • des nouveaux clients apportés par l’agent au mandant pendant l’exécution du contrat ;
  • des clients constituant des « relations d’affaires », c’est-à-dire susceptibles de passer des nouvelles commandes dans un avenir proche et
  • des clients dont le mandant va retirer des avantages importants, c’est-à-dire qui, selon toute probabilité, resteront dans la clientèle du mandant pendant une durée de plusieurs années.

Pour refléter ces critères, la jurisprudence a mis en place un mode de calcul revenant à faire un pronostic sur l’évolution de la clientèle démarchée par l’agent. L’indemnité de clientèle est basée sur le total annuel des commissions versées à l’agent au titre des ventes réalisées par l’entreprise aux clients prospectés par l’agent. À cet égard, l’on doit tenir compte du montant des commissions touchées durant la dernière année contractuelle. Le montant total est ensuite réduit pour tenir compte de la dépréciation de l’argent. Les avantages du mandant grâce à la clientèle développée par l’agent sont souvent considérés comme cessant quatre ou cinq ans après la fin du contrat. Il s’agit de la durée normale appliquée en la matière par la jurisprudence allemande, mais il est envisageable de prévoir une durée plus longue s’il s’avère que les biens vendus ont une longévité plus élevée.

Le calcul peut être révisé pour tenir compte de considérations tenant à l’équité, par exemple l’ancienneté de la relation contractuelle, les conditions de rupture du contrat mais également la force d’attraction de la marque du mandant.

Enfin, l’indemnité est dans tous les cas plafonnée à un an de commissions calculées sur la moyenne des cinq dernières années, sans qu’il convienne de distinguer entre clients repris par l’agent et clients démarchés par ce dernier.

3. La réparation du préjudice subi en droit français

L’article L. 134-12 du Code de commerce prévoit une indemnité de fin de contrat ayant pour finalité de compenser le préjudice subi par l’agent commercial.

L’évaluation de cette indemnité est relativement aisée en droit français. Elle doit réparer le préjudice consécutif à la perte des commissions auxquelles l’agent peut prétendre suite à la prospection de la clientèle.

En principe, l’indemnité devrait être évaluée au cas par cas en tenant compte de l’ancienneté des relations commerciales, de l’importance du travail de prospection de l’agent et du temps nécessaire pour retrouver une autre activité. Cependant, les tribunaux français appliquent une règle considérée comme un usage constant consistant à attribuer deux années de commissions brutes calculées sur les deux ou trois dernières années d’exécution du contrat. Il est rare que les tribunaux s’écartent de cette règle.

L’indemnité est calculée sur la totalité des rémunérations acquises par l’agent commercial en exécution du contrat et ce, quelle que soit leur nature (commissions liées à la prospection de clientèle ou activités annexes), le mode de rémunération (proportionnel ou fixe) ou l’origine de la clientèle. Mais en aucun cas, l’indemnité ne doit être considérée comme une indemnité de clientèle devant compenser l’apport personnel de l’agent dans la création de la clientèle. De même, les parties ne sauraient évaluer, avant toute cessation de contrat, la valeur de la clientèle développée par l’agent pour déterminer le montant de l’indemnité due à l’agent en fin de contrat.

4. Conseil pratique

Le droit français de la fin du contrat étant plus favorable à l’agent que le droit allemand, le choix de la loi applicable au contrat revêt un intérêt pratique important. En l’absence de choix de la loi, la relation contractuelle sera régie par la loi du pays dans lequel l’agent exerce son activité. Enfin, il faut savoir que l’indemnité fixée en droit allemand à une année de commissions constitue le plafond maximum, un conseil averti pouvant arriver à baisser le montant de façon significative.

Fabienne Kutscher-Puis, Avocat aux Barreaux de Düsseldorf et Paris

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