Mis à jour en décembre 2023

Le 31 mai 2023, la loi « pour une meilleure protection du lanceur d’alerte » a été adoptée par le législateur allemand. Elle transpose la directive n° 2019/1937 du 23 octobre 2019 sur « la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l’Union ». En France, la directive a déjà été transposée par la loi n° 2022-401 du 21 mars 2022, entrée en vigueur le 1er septembre 2022, qui a modifié la loi du 9 décembre 2016 laquelle instaurait déjà une procédure d’alerte.

La loi allemande est entrée en vigueur le 2 juillet 2023 et vise les entreprises de plus de 50 salariés, à moins que l’entreprise n’ait une activité particulière listée à l’article 12 alinéa 3 de la présente loi. Un report de l’entrée en vigueur de la loi au 17 décembre 2023 a été accordé pour les entreprises ayant entre 50 et 249 salariés.

1. Le lanceur d’alerte allemand

En Allemagne, le lanceur d’alerte est toute personne physique qui obtient des informations sur la réalisation d´infractions, dans le cadre de son activité professionnelle. La loi allemande ne contient pas de précisions sur la situation d’une personne physique qui aurait accès à de telles informations en dehors de son activité professionnelle, contrairement à la loi française.

Sont inclus dans la notion de lanceur d’alerte toute personne qui divulgue une information ou qui signale une infraction, mais aussi toute personne qui en fait l’objet ou qui est nommée dans le signalement ou la divulgation. La loi allemande ne prévoit aucune liste de personnes visées par la notion de lanceur d’alerte, contrairement à la loi française.

Le lanceur d’alerte étant protégé par la loi, il ne doit subir aucune représailles, du fait de son signalement ou de la divulgation d’informations. De surcroît, il n’est pas juridiquement responsable des conséquences de son signalement ou de sa divulgation, à moins que l’information ne s’avère être fausse. Le lanceur d’alerte fait l’objet d’une protection de ses données personnelles, notamment par les acteurs de la procédure qui ont une obligation de confidentialité sur son identité.

Le lanceur d’alerte peut divulguer ou signaler une information dont il a eu connaissance sur :

  • toute violation d’une disposition de la loi de l’État fédéral, le Bund, et des lois des États fédérés, les Länder ;
  • toute violation portant sur des actes juridiques de l’Union européenne directement applicables ou toute violation de la protection de ses intérêts financiers ;
  • toute infraction pénale ou administrative qui porterait atteinte à la protection de la vie, de l’intégrité physique et de la santé d’une personne ou à la protection des salariés ;
  • toute violation des dispositions portant sur le marché intérieur, sur le droit fiscal des sociétés et de la loi sur la surveillance des services financiers.

Cette liste n’est pas exhaustive. Tombent également sous son coup d’autres domaines énumérés par la loi comme le blanchiment d’argent, le financement du terrorisme ou encore la protection de l’environnement, de la santé publique et des données personnelles.

Sont exclues toutes les informations qui sont couvertes par une obligation légale de confidentialité que la loi allemande énumère limitativement. Ce sont notamment les informations liées à la sécurité nationale et à la protection des intérêts fondamentaux de l’État, ainsi que le secret des délibérations judiciaires et des professions juridiques (avocats, notaires, etc.) et médicales (secret médical). Les informations concernant l’attribution de marchés publics et de concessions, ainsi que celles qui émanent de fonctionnaires, d’un service de renseignement ou de tout autre service public du Bund ou des Länder ne peuvent pas non plus faire l’objet d’une alerte.

2. La procédure d’alerte allemande

La procédure que les entreprises dépassant les seuils précités doivent mettre en place est la procédure de signalement interne. Toutefois, le lanceur d’alerte peut également divulguer publiquement une information ou bien signaler une infraction à des organismes habilités de l’État (signalement externe). Quand bien même le législateur allemand privilégie la voie du signalement interne, le lanceur d’alerte dispose expressément d’un libre choix.

Les entreprises doivent ainsi instituer un bureau de recueil de signalements internes. Celui-ci peut être confié à un ou plusieurs salarié(s) ou bien à un tiers. Selon les motifs du législateur allemand et la doctrine dominante, un tel bureau peut être créé au niveau du groupe auquel appartient la société, même si la société mère se trouve à l’étranger. Les groupes internationaux peuvent ainsi mettre en place un système centralisé au niveau du siège du groupe, tant que ce système est indépendant, fiable, qu’il permet de prendre en compte les règles locales de protection des lanceurs d’alerte et qu’il est disponible dans la langue de travail des salariés locaux.

Toutefois, l’employeur contractuel n’est pas pour autant dispensé de prendre toutes les mesures nécessaires pour cesser l’infraction lorsque son signalement est traité par le bureau de signalement institué au niveau du groupe comme, d’ailleurs, lorsqu’un organisme tiers est chargé de recueillir les signalements.

Enfin, notons que plusieurs entreprises comprenant entre 50 et 249 salariés peuvent également créer un bureau de recueil de signalement interne commun.

Les bureaux de recueil de signalements internes sont indépendants. Ils peuvent toutefois exercer d’autres activités, tant qu’aucun conflit d’intérêt ne naît.

Les bureaux de recueil de signalements internes doivent mettre à disposition des lanceurs d’alerte plusieurs canaux de signalement. Le lanceur d’alerte aura le choix entre un canal écrit ou oral. S’il est oral, une retranscription ou un enregistrement, si le lanceur d’alerte l’accepte, devront être établis.

Après réception du signalement, le bureau interne devra accuser de sa réception dans un délai de sept jours au plus tard. Il sera alors chargé de vérifier la conformité du signalement au champ d’application matériel de la loi, ainsi que de vérifier le bien-fondé du signalement. Le bureau de recueil de signalements internes prendra également contact avec le lanceur d’alerte pendant la procédure. Il interrogera les personnes compétentes s’il a besoin de recueillir des informations complémentaires.

Enfin, il prendra une décision sur les mesures de suivi du dossier. Il peut notamment renvoyer le lanceur d’alerte vers un bureau compétent pour recueillir son témoignage, effectuer une enquête interne ou encore achever la procédure pour manque de preuve ou pour toute autre raison.

Le bureau de recueil de signalement interne doit envoyer une réponse au lanceur d’alerte dans un délai de trois mois au maximum après l’accusé de réception du signalement. Le bureau doit alors détailler et justifier les mesures prises qu’il a prises.

3. Les sanctions

Une condamnation à une amende d’un montant pouvant aller jusqu’à 50.000 EUR est prévue pour toute personne qui nuit au signalement d’une infraction ou qui exerce des mesures de représailles à l’égard du lanceur d’alerte. La tentative est également sanctionnée.

Si une entreprise ne met pas en place un bureau de recueil de signalement interne, celle-ci peut être condamnée à une amende pouvant aller jusqu’à 20.000 EUR.

Enfin, une amende pouvant aller jusqu’à 10.000 EUR est prévue en cas de violation de l’obligation de confidentialité par l’un des acteurs de la procédure, que ce soit volontaire ou par négligence.

4. Conseil pratique

Pour éviter toute sanction, le bureau de recueil de signalements internes, mis en place par l’entreprise, doit veiller à bien respecter son obligation de confidentialité quant à l’identité du lanceur d’alerte.

Le droit allemand permet actuellement de mettre en place un bureau de signalement interne au niveau du groupe, compétent également pour les alertes provenant des filiales allemandes. Cependant, il convient de bien suivre l’évolution de la législation qui pourrait revenir sur cette option, bien qu’un éloignement du bureau de signalement par rapport à l’entité concernée peut être favorable dans certaines circonstances. Ce faisant, il faut bien garder à l’esprit que les mesures suivant l’alerte doivent normalement être prises au niveau local et que les directions générale et/ou du personnel doivent absolument être impliquées, tout en préservant la protection de l’identité du lanceur d’alerte.

De plus, au moment de la mise en place des canaux de signalement, il est fortement recommandé de prendre une option pour l’admission de signalements anonymes, voire le cas échéant, une option « multilingue », en fonction des besoins de l’entreprise.

Fabienne Kutscher-Puis, Avocat aux Barreaux de Düsseldorf et Paris

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