Mis à jour en septembre 2023

En principe, selon l’article 43, alinéa 2 de la loi allemande sur les sociétés à responsabilité limitée (Gesetz betreffend die Gesellschaften mit beschränkter Haftung – GmbHG), les gérants de la GmbH sont solidairement responsables vis-à-vis de la société des dommages occasionnés du fait de la violation de leurs obligations de gestion en commerçants prudents. Alors que la responsabilité civile du gérant vis-à-vis des tiers pour des actes commis au nom de la société reste du domaine de l’exception, sa responsabilité fiscale ou pénale peut toutefois être retenue sur la base de dispositions légales visant le gérant en tant que tel.

Concernant la responsabilité pénale, la vision des droits français et allemand est très différente, notamment en ce qui concerne les moyens permettant au gérant de s’exonérer de sa responsabilité pénale et il semble utile de s’arrêter sur les principes applicables en la matière.

1. L’étendue de la responsabilité pénale du gérant en droit allemand

Le gérant de la GmbH est naturellement responsable des infractions pénales qu’il commet lui-même. Mais il l’est aussi des infractions commises au sein de l’entreprise sans son intervention personnelle, à savoir en raison de la violation de son obligation de contrôle prévue à l’article 130 de la loi allemande sur les infractions (Ordnungswidrigkeitsgesetz – OwiG).

Il faut noter que le droit allemand ne connaît pas à l’heure actuelle de responsabilité pénale des personnes morales, mise à part la possibilité de prononcer dans certaines conditions des contraventions à leur encontre. De ce fait, ce sont les gérants personnes physiques qui peuvent engager personnellement leur responsabilité à titre pénal et ce, même s’ils n’ont pas participé à la commission des infractions, voire même ne sont pas habituellement présents sur le site de l’entreprise allemande. Un tel cas se produit fréquemment dans les groupes de sociétés lorsqu’un dirigeant de la société mère devient co-gérant ou même gérant unique de la filiale allemande et supervise la gestion locale à partir du siège à l’étranger.
Les domaines dans lesquels la responsabilité pénale peut être engagée sont variés et dépendront de l’activité pratiquée par la société. Les accidents du travail, la méconnaissance des règles anti-corruption ou la sécurité des produits mis sur le marché constituent des illustrations fréquentes de cette thématique.

2. La Prokura : délégation de pouvoirs sans délégation de responsabilité

La délégation de pouvoirs, qui est offerte au gérant français pour s’exonérer de sa responsabilité pénale, ne peut être transposée telle quelle en Allemagne. En effet, le gérant peut certes désigner un « fondé de pouvoir » (Prokurist), qui aura une procuration commerciale générale, appelée en allemand Prokura (art. 48 et suiv. du Code de commerce – Handelsgesetzbuch – HGB. Ceci représente bien une délégation de pouvoirs de la part du gérant, mais elle n’entraîne pas de délégation de responsabilité.

Notons que les pouvoirs du Prokurist sont déterminés par la loi et ne peuvent être limités dans les relations avec les tiers. Les actes auxquels est habilité le Prokurist sont les opérations et actes juridiques de toute nature, judiciaire et extrajudiciaire, qu’implique l’exploitation d’une entreprise commerciale. Toutefois, il est courant de limiter les pouvoirs du Prokurist en interne, par exemple dans son contrat de travail. Le Prokurist outrepassant ses pouvoirs commettrait alors une faute susceptible de sanctions disciplinaires.

Par contre, l’existence d’un Prokurist n’entraîne aucune conséquence sur la désignation de la personne responsable, notamment en cas de survenance d’une infraction pénale. En effet, le gérant reste tout de même responsable en cas de commission d’infractions rattachées au fonctionnement de l’entreprise.

3. L’exonération de la responsabilité pénale du gérant en droit allemand

Pour s’exonérer de leur responsabilité pénale de principe, les moyens laissés aux gérants ne sont ainsi pas les mêmes en France qu’en Allemagne. En France, une délégation de pouvoirs adéquate entraîne normalement une délégation de responsabilité. En Allemagne, il n’y a exonération de responsabilité que lorsque le gérant a bien mis en place et documenté une organisation adéquate de prévention d’infractions pénales. Concrètement, le gérant doit établir qu’il a pris toutes les mesures nécessaires pour éviter la survenance d’infractions à la loi dans sa société. Ses obligations peuvent être réparties en quatre catégories. Schématiquement, le gérant doit mettre en place :

– une organisation conforme en vue du respect des lois, adaptée à l’activité précise de l’entreprise qui sera différente si une activité de production ou uniquement de commerce et distribution est pratiquée ;
– un mécanisme de contrôle des salariés appliqué aux différentes hiérarchies ;
– un système d’information et de documentation des mesures prises au sein de l’entreprise ;
– un système sécurisant la production et la mise sur le marché des produits commercialisés.

4. Conseil pratique

Pour éviter que la responsabilité pénale du gérant de la GmbH ne soit recherchée, celui-ci doit s’assurer de respecter les obligations susvisées. Pour cela, il doit mettre en place, au sein de son entreprise, des process permettant de prévenir les risques d’infractions pénales, de faire établir une documentation de ces process et de les faire régulièrement actualiser. Si tel est le cas, le gérant pourra s’exonérer de sa responsabilité.

Fabienne Kutscher-Puis, Avocat aux Barreaux de Düsseldorf et Paris

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