Lors de la négociation d’un contrat de vente, notamment de biens de consommation, entre un vendeur et un acheteur professionnel, le choix de la loi applicable mérite réflexion. Ainsi, outre les lois française et allemande, la CVIM peut également trouver à s’appliquer. Le choix de la Convention des Nations Unies sur les contrats de vente internationale de marchandises (CVIM) par les parties conduit à écarter certaines règles du droit national, ce qui peut se révéler plus avantageux pour elles. De plus, les parties concluant un contrat soumis à la CVIM négocient sur un terrain neutre dans un contexte international aujourd’hui juridiquement bien assis.

1. Application de la CVIM

a) Articulation entre la CVIM et la loi nationale

Une clause de choix de loi stipulée dans le contrat de vente de marchandises peut prévoir l’application de la CVIM à titre principal et, à titre subsidiaire, l’application d’un droit national pour les questions ne relevant pas du champ d’application de la CVIM. Cette situation peut se présenter entre autres lorsque les parties au contrat sont un vendeur et un acheteur établis respectivement en Allemagne et en France.

À défaut d’exclusion expresse de la CVIM par les parties, celle-ci aura vocation à régir toutes les ventes franco-allemandes puisque tant la France que l’Allemagne sont des États signataires de la Convention, tout comme 94 autres États.

b) Matières couvertes par la CVIM

La CVIM régit la formation du contrat de vente et les droits et obligations des parties qui en découlent tels que, par exemple, la garantie des vices cachés ou l’obligation de livraison (art. 4, art. 31 et suiv., art. 35 et suiv.).

En revanche, sont exclues par la CVIM les questions relatives à la validité du contrat et de ses clauses (comme par exemple les vices du consentement), ainsi qu’au transfert de propriété (art. 4). Il en va de même pour les règles relatives aux délais pour agir. Pour ces matières, les parties doivent désigner la loi applicable à titre subsidiaire. Si elles ne le font pas, cette loi sera désignée par les règles de conflit de lois et sera normalement la loi du vendeur.

2. Intérêt de l’application de la CVIM dans les relations franco-allemandes

a) Exclusion de l’action récursoire du vendeur intermédiaire

En matière de vente à la consommation, les droits français et allemand ont aménagé, sous l’impulsion du droit communautaire, une action récursoire du vendeur intermédiaire confronté à une réclamation du client final ayant qualité de consommateur.

L’intérêt de soumettre le contrat à la CVIM réside dans le fait que cette dernière ne prévoit pas de telle action. L’action récursoire prévue à l’article 445a du Code civil allemand (Bürgerliches Gesetzbuch – BGB) est certes impérative en droit national allemand mais l’application de la CVIM conduit, selon la doctrine allemande bien établie, à écarter l’action récursoire du droit allemand de la vente.

Également sous l’empire du droit français, l’action récursoire du vendeur intermédiaire contre son fournisseur sera écartée dès lors que ces parties sont liées par un contrat régi par la CVIM, ainsi que la Cour de cassation a eu l’occasion de statuer dans un arrêt du 3 février 2021 (n° 19-13260). En conséquence, le vendeur intermédiaire confronté à une action du consommateur final ne peut plus se retourner contre son vendeur au prétexte d’un défaut de conformité si le délai butoir de deux ans prévu à l’article 38 de la CVIM a entretemps expiré ; la responsabilité du vendeur ne renaît donc pas.

b) Exclusion de l’action directe du sous-acquéreur

Depuis un arrêt de la Cour de cassation du 16 janvier 2019 (n° 17-21.477), il ne fait plus de doute que l’action directe du sous-acquéreur prévue en droit français subsiste même si le contrat est régi par la CVIM. Mais encore faut-il que le droit subsidiaire ayant vocation à compléter la CVIM soit bien le droit français, lequel peut seul permettre que l’action en vices cachés de l’acheteur soit transmise au sous-acquéreur en tant qu’accessoire du bien vendu. L’application de lois étrangères ne connaissant pas d’action directe, comme par exemple la loi allemande, fait obstacle à l’action directe du sous-acquéreur.

Également de ce point de vue, l’application du droit allemand en complément de la CVIM se révèle donc avantageuse pour le vendeur.

c) Autres avantages pour le vendeur

L’application de la CVIM à un contrat commercial franco-allemand présente d’autres avantages pour le vendeur, de sorte qu’il peut être souhaitable pour le vendeur de soumettre le contrat à la CVIM, en dehors même de la vente de biens de consommation.

La CVIM pose des exigences généralement plus élevées qu’en droit national quant à l’existence d’un défaut de conformité, de sorte que les conditions seront plus difficilement remplies, ce qui limite les actions en conformité ou en vices cachés des acheteurs. Toujours dans le domaine de la conformité de la marchandise, la CVIM prévoit un délai de forclusion de deux ans courant à compter de la livraison de la marchandise et non de la découverte du vice. Passé ce délai, l’acheteur ne peut plus se prévaloir d’un défaut de conformité. La différence du point de départ de l’action permet souvent aux vendeurs d’échapper à leur responsabilité en vices cachés ou (pour le droit français) en conformité.

Concernant par ailleurs la résolution du contrat, celle-ci peut être invoquée par l’acheteur uniquement si l’inexécution par le vendeur de l’une des obligations constitue une « contravention essentielle » au contrat. Ceci restreint également le champ d’application de cette action.

3. Conseil pratique

On peut regretter que la Convention des Nations Unies sur les contrats de vente internationale de marchandises reste encore mal connue, tant des entreprises exportatrices que des rédacteurs de contrats, alors qu’elle présente, à plusieurs égards, des avantages considérables par rapport aux lois nationales et permet aux négociateurs de contrats internationaux de se placer sur un terrain juridique neutre. Les entreprises exportatrices seraient bien conseillées de vérifier les avantages que ce droit uniforme peut présenter dans leur activité et établir un modèle de contrat généralement utilisable avec leurs clients étrangers.

Fabienne Kutscher-Puis, Avocat aux Barreaux de Düsseldorf et Paris

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